A propos des rythmes scolaires

15/12/2010 17:53

 

 

A propos des rythmes scolaires

 

La question des rythmes scolaires fait débat depuis plus d’1/4 de siècle dans notre pays. En Martinique, tout le monde se souvient des premières expérimentations ayant eu lieu en 1996 et qui s’achevèrent pour la dernière école en 2005, à Petit Bourg, Rivière Salée, soit 9 ans d’activités. Ceci pour dire que le débat n’est ni novateur ni original.

Néanmoins la Consultation nationale lancée par le Ministre de l’Education en juin 2010 souligne et confirme tout l’intérêt de la démarche entreprise, il y’a près de 14 ans et la nécessité d’une réflexion s’élevant au dessus de la cacophonie ambiante autour des rythmes scolaires, qui occulte, tant les connaissances réelles que les expériences menées localement.

 

Le débat étant ouvert, et étant à ce jour, le seul directeur d’école en Martinique encore en activité ayant participé à la conception, la mise en place et l’expérimentation d’un aménagement des rythmes de vie de l’enfant réussi, plébiscité par la communauté éducative d’alors, accompagné de résultats scolaires probants et prometteurs pour les élèves, mais également comme chercheur (thèse en cours sur la question), je crois utile d’apporter mon modeste témoignage et ma contribution pour le premier degré.

 

La notion de rythmes « scolaires » est ambigüe dans la mesure ou cette expression peut être comprise de plusieurs manières : certains considérant les rythmes scolaires comme la progression des élèves dans leurs apprentissages, d’autres les assimilant aux rythmes de l’environnement, c'est-à-dire les emplois du temps journaliers, hebdomadaires, des vacances petites, moyennes ou grandes, du calendrier scolaire, d’autres enfin, définissent les rythmes scolaires comme des rythmes propres aux enfants, adolescents, en situation scolaire. Ce sont alors des variations périodiques des processus physiologiques, physiques et psychologiques propres aux individus. Or, il est reconnu aujourd’hui que l’enfant vit selon ses rythmes biologiques et/ou psychologiques et qu’il n’existe donc pas de rythmes scolaires.

 

Deuxièmement, dans le débat en cours, il nous paraît utile de rappeler les objectifs visés, les buts poursuivis pour toute organisation du temps scolaire. Deux objectifs principaux semblent faire consensus :

  • diminuer la fatigue de l’enfant et du jeune.

  • améliorer les performances scolaires de l’élève

Toute autre préoccupation consisterait comme le dit le Directeur de l’enseignement scolaire « à imposer le monde des adultes et leurs préoccupations au monde des enfants ! »

 

Troisièmement, il paraît également utile de rappeler que modifier le temps scolaire n’est pas l’aménager. La modification seule n’est pas suffisante. Elle consiste à opérer des changements, des ajouts, des suppressions, des déplacements d’emplois du temps, d’horaires, de modifier la durée des congés,… L’aménagement du temps scolaire, si elle englobe des modifications  de certains facteurs environnementaux, a pour objectif central de s’adapter au rythme biologique de l’enfant, de tenir compte de ses potentialités physiologiques. L’aménagement est centré sur l’intérêt de l’enfant.

L’aménagement du temps scolaire vise à synchroniser le temps scolaire journalier et l’efficacité pédagogique du système éducatif. Autrement dit, un aménagement efficace fait alterner les moments où l’enseignant  fera appel à l’intelligence abstraite ou concrète de l’enfant et à quel moment solliciter l’effort physique de ce dernier. L’ambition d’un aménagement des rythmes de vie de l’enfant, notamment dans le premier degré, vise à réduire l’échec scolaire par une meilleure connaissance des périodes d’attention, de concentration et de vigilance.

 

La maîtrise de ces données  a pour effet, d’amener le pédagogue à revoir son emploi du temps hebdomadaire et de le rendre non plus « statique » mais dynamique. Nous pensons que c’est là, le réel enjeu d’un aménagement du temps de l’enfant et du jeune.

 

Quatrièmement, un aménagement des rythmes de vie de l’enfant et du jeune doit lier inexorablement les temps scolaires et périscolaires et c’est là que le bas blesse bien souvent. La coordination de ces temps n’est pas chose aisée car rentre en considération tous les rythmes environnementaux, les intérêts des uns et des autres qui quoique utiles ne représentent pas nécessairement l’intérêt des enfants.

A l’instar de François Testu, professeur en psychologie et chronobiologie, nous pensons que la réflexion sur les rythmes scolaires, gagnerait à débuter par la question de la durée journalière des classes et de tirer les conclusions qui s’imposeraient au niveau du rééquilibrage de l’année scolaire et non de l’aborder sur la durée des grandes vacances.

 

C’est fort de ces quatre considérations, que l’école élémentaire de Petit Bourg (Rivière Salée) a conduit au bénéfice des élèves un aménagement des rythmes de vie durant plus de 8 ans, à la grande satisfaction de l’ensemble de la communauté éducative. Les générations d’enfants qui  ont profité durant toute leur scolarité élémentaire sont aujourd’hui, pour la plupart étudiants, ont obtenu leur baccalauréat, certains avec mention et gardent un souvenir enthousiaste de ce temps d’école.

 

Durant l’année 1997, une équipe de chronobiologistes dirigée par le Professeur Testu,     a évalué les enfants.  Les résultats de leurs travaux ont prouvé qu’en adoptant une rythmicité conforme aux besoins physiologiques de l’enfant, d’une part les résultats scolaires étaient meilleurs, réduisant le taux d’échec scolaire et d’autre part confirmaient l’existence d’une rythmicité universelle puisque les élèves obtenaient des scores d’attention, de concentration, de vigilance et de sommeil,  identiques aux enfants de l’hexagone en divers lieux, contrairement à une précédente évaluation effectuée en 1995 en Martinique.

L’organisation du temps scolaire retenue dans cette école était une journée de 4H en moyenne, répartie sur 5 jours (9 demi-journées) et une année scolaire de 39 semaines au lieu des 36 semaines traditionnelles. Les après midi, hors temps scolaire, réservées aux activités périscolaires pris en charge par la municipalité.

 

Max ORVILLEAncien Directeur de l’école de Petit Bourg expérimentant l’aménagement des rythmes de vie de l’enfant et du jeune.Master 2 de sciences de l’Education, option Recherche. Thèse en cours.